Claudy Lebreton : "L'Etat ne répond plus"

Le 81e Congrès de l'Assemblée des départements de France qui s'achèvera demain, 21 octobre, se déroule sous le signe de l'inquiétude, en dépit d'une thématique dynamisante "Le département, territoire d'avenir". "Le contexte de crise pèse sur les collectivités, sur leurs décisions, sur la démocratie", a déclaré le président de l'Assemblée, à l'ouverture du congrès, le 20 octobre, à Besançon (Doubs).
A la veille de ce grand rendez-vous territorial, Claudy Lebreton a bien voulu répondre aux questions du "Courrier des maires et des élus locaux". Entretien.

Quelle est la situation financière des départements ?
Claudy Lebreton - La situation est plus que jamais tendue. Les recettes provenant des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) sont certes reparties à la hausse depuis fin 2010: nous avons engrangé 1,8 milliard d'euros de recettes supplémentaires après une perte de 2,5 milliards d'euros en 2009. Mais je crains que cette reprise ne soit que conjoncturelle.

Dans le même temps, l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), le revenu de solidarité active (RSA) et la prestation compensatoire du handicap (PCH) croissent mécaniquement de 800 millions d'euros chaque année et cet accroissement dépassera sous peu le milliard.

L'Etat va-t-il compenser ce surcoût ?

L'Etat doit 6 milliards d'euros aux conseils généraux. Nous avons proposé au gouvernement de procéder à une compensation de l'APA à 50 % tout en instaurant un ticket modérateur sur le remboursement des sommes relatives au RSA et à la PCH. Avec ce dispositif, l'Etat nous devrait 2,5 à 3 milliards d'euros. Et les départements sortiraient la tête de l'eau.

Le gouvernement vous a-t-il répondu ?
Non. Et pire, il s'apprête à accroître nos dépenses. Le ministère de l'Intérieur négocie avec les organisations représentatives de sapeurs-pompiers une amélioration de leur statut qui se traduira par une facture d'une vingtaine de millions d'euros pour leurs employeurs qui sont... les conseils généraux, sans que ces derniers aient été seulement informés des discussions ! C'est inadmissible. Matignon ne tient pas son engagement relatif à un moratoire sur les normes et les charges nouvelles. Il incite les départements à se recentrer sur leurs seules compétences en arrêtant de financer le sport, la culture, le tourisme, l'éducation, etc.

Pensez-vous que la péréquation horizontale permettra de réduire les inégalités ? 

La péréquation verticale de l'Etat vers les collectivités est insuffisante. Elle ne représente que 7,5% de ses dotations. Elle serait totalement efficace si cette proportion atteignait 25% des dotations. Je suis de ceux qui pensent que la solidarité et la réduction des inégalités doivent relever de l'Etat. Cela étant, ce dernier, à court de moyens, s'en remet aux collectivités via la péréquation horizontale, au risque d'opposer les collectivités entre elles comme c'est déjà le cas avec les DMTO entre départements contributeurs et bénéficiaires. Les élus locaux doivent trouver un juste compromis en tenant compte certes de la richesse fiscale d'un conseil général mais aussi des charges qui lui incombent.

L'Etat a reporté la réforme de la dépendance. Quelle est votre réaction ?
Le gouvernement est légitime pour prendre cette décision mais les conseillers généraux, élus par les citoyens, ont la même légitimité que lui dans leurs domaines de compétences.

Nous avons tout essayé pour faire avancer la réforme du financement de la dépendance, y compris avec le dépôt d'une proposition de loi. En vain... Ce dossier aboutira en cas d'alternance, en 2012.

Qu'attendez-vous de l'Etat au sujet des mineurs isolés étrangers (MIE) ?
Je suis solidaire de la Seine-Saint-Denis et aussi de Mayotte qui fait face à 5 000 mineurs isolés étrangers.
Ils sont autant en métropole. L'Etat doit assumer la responsabilité et le financement de la prise en charge des MIE dans le cadre de la politique d'immigration. Il revient aux départements de prendre en charge tous les mineurs français en situation régulière ou dont la famille est en cours de régularisation, dans le cadre de la protection de l'enfance. J'ai sollicité le gouvernement pour créer un groupe de travail sur les MIE. J'attends une réponse.

Vous êtes partisan d'un 3e acte de la décentralisation. Que proposez-vous ?

Je souhaiterais qu'en mars 2012, pour les trente ans de la décentralisation, l'ADF écrive un manifeste. Nous pouvons accomplir cet acte 3 par compromis, quand l'Elysée a privilégié une vision idéologique, libérale et centralisatrice de la décentralisation.
L'acte 3 devra clarifier les compétences, ce que la loi du 16 décembre 2010 n'a pas fait. Je propose que les départements exercent, en plus du bloc historique, la compétence sur le logement, que les régions gèrent l'emploi, la formation, l'enseignement supérieur, la santé, la formation, la politique agricole et les fonds européens.
Il faut aussi que régions et département puissent adapter l'application des textes législatifs et réglementaires aux réalités de leur territoire. Enfin, il faut mettre en place les schémas de répartition des compétences. Soyons imaginatifs. Il n'y aura pas forcément la même organisation territoriale partout.

Quelles sont vos propositions de réforme de la fiscalité locale ?

C'est le deuxième volet de l'acte 3. Cependant, avant de réformer l'impôt local, il faut réformer la fiscalité nationale et envisager un partage des impôts nationaux entre l'Etat et les collectivités. Je suggère d'attribuer aux conseils généraux une part de la CSG à laquelle s'ajouterait un panier de recettes complémentaires, plus stables.

Etes-vous toujours opposé à la création du conseiller territorial ?
Oui, car il portera la suppression des départements de façon insidieuse. Ce sont les élections présidentielles puis législatives de 2012 qui décideront de l'avenir de la réforme des collectivités territoriales et en l'occurrence, tout est possible. Pour ma part, je ne serai jamais conseiller territorial.

Claudy Lebreton, président (PS) du conseil général des Côtes-d'Armor depuis 1997, préside l'Assemblée des départements de France (ADF) depuis 2004. Il a été réélu en 2008 et en mai 2011, à l'issue des élections cantonales.(courrierdesmaires.fr)

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