Comment en est-on arrivé là ?

J-P. R. Nous assistons à un conflit négatif de compétences. Le Conseil général refuse de continuer et l’État refuse de commencer. C’est comme une bataille entre parent, avec le père qui refuse de venir relayer la mère au prétexte que, d’habitude, c’est elle qui fait tout. Le résultat concret, c’est que nous avons reçu 95 jeunes au tribunal depuis le début du mois et que, pour la majorité, on n’a pas réussi à trouver de solutions.

La protection judiciaire de la jeunesse ne devrait-elle pas prendre le relais ?

J-P. R. La PJJ répond que ce n’est pas à elle de le faire, ils ne veulent plus prendre en charge les enfants en danger, pas seulement étrangers. Elle a eu une attitude très ferme, en refusant, au début, que ses troupes ne reçoivent le moindre jeune pour le rencontrer. Ils ont fini par changer de position. Aujourd’hui, la PJJ prétend même qu’elle mobilise le réseau associatif pour trouver des lieux d’accueil, en réalité elle ne fait rien. Depuis trois semaines elle refuse systématiquement d’accueillir tout jeune. Donc, le soir, la PJJ donne un ticket de métro et un ticket restaurant à ces jeunes pour qu’ils aillent rejoindre la maraude de la place du Colonel Fabien. On se retrouve avec des gosses qui reviennent le matin dans des états… Ce matin (jeudi, NDLR), j’ai dû faire intervenir le Samu pour sept d’entre eux, qui sont hospitalisés.

Pourtant le 22 septembre, la préfecture de Seine-Saint-Denis annoncait que « le ministère de la Justice allait œuvrer à une répartition plus équitable et homogène de l'accueil des mineurs étrangers »…

J-P. R. Claude Bartolone nous dit que dès qu’il verra des propositions concrètes, il donnera le feu vert pour redémarrer le dispositif. Il attend une lettre du préfet qui énonce les termes du dispositif mis en place. Une position de principe a été posée, mais personne ne sait comment elle va être mise en place. Nous sommes dans une contradiction : le procureur de la république qui m’a saisi prétend que ces jeunes sont en danger, moi je dois qu’ils sont en danger et je prends une décision qui n’est pas exécutée. Il faut sortir de cette situation ! Et la sortie elle est simple : le ministère de la Justice, qui est le pilote sur ce dossier, doit énoncer des solutions à court thermes qui consisterait à financer des chambres d’hôtels pour les quelques jeunes concernés. Cela permettrait de gérer le problème humanitaire et ensuite, de se mettre autour d’une table pour concrétiser le projet de mutualisation sur les autres conseils généraux. L’Etat doit mettre tout le monde autour de la table, c’est son rôle.
Article paru en partie dans l'Humanité du 30 septembre 2011