Mineurs isolés étrangers : une leçon de politique migratoire

Le Conseil général de Seine-saint-Denis vient de trouver un accord sur l’accueil des mineurs étrangers isolés. Il prévoit que ces mineurs seront mieux répartis sur la région parisienne. Une belle illustration des inégalités face au coût l’accueil des immigrés.

La situation devenait tendue. Le 1er septembre, le Conseil général de Seine-saint-Denis a annoncé qu’il n’accueillerait plus les mineurs isolés étrangers (MIE) dans ses services, laissant l’Etat face à ses responsabilités. Le département dirigé par Claude Bartolone estime en effet qu’il n’a pas à supporter seul le coût de cet accueil : 35 millions d’euros en 2010 soit 20% du budget total de l’aide sociale à l’enfance, plus de 1000 enfants devraient être accueillis cette année dans le 93.
Ces étrangers ont un statut particulier. Arrivant seuls de leur pays d’origine, ils sont inexpulsables jusqu’à leurs 18 ans. A charge pour les départements de financer leur éducation notamment via des familles d’accueil. Manque de pot, ce sont souvent les départements les plus pauvres qui doivent accueillir le plus de MIE.  Le 93, avec l’aéroport de Roissy et la présence historiques de l'immigration, est naturellement très exposé. Mayotte ou le Pas-de-Calais sont aussi dans ce cas. 
Résultat, face à la défection de Bartolone, nombre de jeunes immigrés se sont retrouvés à la rue. Une prise en otage guère appréciée par les associations et le président du tribunal pour enfants de Bobigny Jean-Luc Rosenzweig. Bartolone et le ministère de la Justice, censée piloter le dispositif des mineurs isolés via la Protection judiciaire de la jeunesse, ont dû alors trouver un accord qui a été signé la semaine dernière. Une signature qui a permis la reprise de l’accueil des mineurs lundi matin.


LE 93 REFILE LA PATATE CHAUDE

Cet accord prévoit que le 93 s’assumera plus seul le flux de mineurs arrivant dans le département. « La Seine-Saint-Denis prendra en charge l'accueil d'un mineur sur dix, les neuf autres seront répartis par le parquet de Paris sur le reste du territoire», notamment en région parisienne, a expliqué l’entourage de Bartolone à l’AFP.


Le problème est que les voisins de Bartolone ne sont pas spécialement volontaires pour récupérer la patate chaude. C'est le cas de Bertrand Delanoë. Le Maire de Paris a précisé que « toute solution qui serait envisagée sans prendre en compte le caractère d’urgence auquel Paris est confronté - alors qu’il regroupe près de 25% de tous les MIE en France - serait vouée à l’échec ». Paris a dépensé 70 millions d’euros pour les MIE en 2010 pour accueillir 1350 jeunes. Fin août, on comptait déjà 1600 mineurs pris en charge par les services sociaux de la capitale (qui a également les compétences d’un département).
 
Au delà de ces bisibilles entres élus locaux PS et le gouvernement, l’épisode des MIE du 93 montre une des failles de la politique migratoire française : l’inégalité territoriale. Car, au delà des discours compatissants sur l’accueil des immigrés, on oublie trop souvent que le coût de l'immigration n’est pas le même pour tous. Même si les flux migratoires sont réduits, s'ils sont concentrés sur quelques espaces déjà défavorisés, ils peuvent poser certains problèmes, en terme de logement par exemple. 

Ainsi, la politique migratoire pèse plus sur les HLM de Saint-Denis 
que sur les lofts de la rive gauche de Paris, là où vivent souvent les plus farouches partisans de l’ouverture des frontières, comme par hasard. D’où cette situation ubuesque où deux élus PS se retrouvent réticents à accueillir des immigrés, le 93 et Paris ne voulant pas assumer seuls le coût de cette politique d’accueil.


QUESTION DE JUSTICE

En 2010, un rapport de la sénatrice UMP Isabelle Debré détaillait déjà la situation tendue du 93 : « Le système d’accueil d’urgence de la Seine-Saint-Denis est considéré comme totalement saturé et les travailleurs sociaux y sont surchargés » (page 51). D’une manière plus générale, le rapport Debré soulignait déjà le sentiment d’injustice des élus locaux : « L’acrimonie des élus est d’autant plus vive qu’ils ont le sentiment de financer, au titre de la fiscalité locale pesant sur leurs seuls administrés, une politique d’accueil généreuse qui justifierait une solidarité nationale ou, à tout le moins, interdépartementale » (page 47).
Ce même rapport proposait aussi la mise en place d’un fond abondé par l’Etat pour aider ces départements en difficulté. Sans succès. Il prônait aussi une meilleure coordination entre Etat, associations et départements via des « plateformes opérationnelles territoriales » : « Elle sera chargée d’organiser l’accueil et l’hébergement d’urgence, de procéder à l’évaluation de la situation du mineur ainsi qu’à son orientation vers un dispositif de prise en charge au long cours dès lors qu’aura été évaluée l’opportunité d’un retour  dans son pays d’origine » (page 85).  Un dispositif qui aurait évité autant de tension entre Etat et collectivités locales.
Car pour réguler l’immigration, les différents acteurs ne peuvent agir en solo. Cette affaire peut être mise en parallèle avec la crise de Lampedusa. Là, c’était l’Italie qui devait faire face à des flux migratoires dont personne ne voulait. Bref, que ce soit à l’échelle locale ou européenne, il est clair que la régulation de l’immigration n’est pas qu’une mesure policière, c’est aussi une mesure de justice.(marianne2.fr)

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