Des mineurs isolés hébergés le 12 novembre 2002 à Taverny dans unlieu d'accueil et d'orientation (LAO) de la Croix Rouge MEHDI FEDOUA
"En Albanie, j'étais pris au piège": du haut de ses 16 ans, Andi dit avoir trouvé en France la "liberté de respirer", après avoir fui son pays, passé clandestinement les frontières et trouvé une place dans une famille d'accueil grâce au dispositif de prise en charge des mineurs isolés étrangers (MIE).
Arrivé en septembre, après une enfance vécue sous la menace du "Kanun", la terrible loi du talion qui régit encore des pans de la société albanaise, Andi a pu passer ses premières Fêtes à l'abri de toute pression, dans une famille ravie de s'occuper de cet adolescent "calme et posé".
Pris en charge dans une petite ville, Andi goûte désormais, souriant, au sentiment de "sécurité" et à la "liberté de respirer", comme il l'a dit à l'AFP. Pour s'exprimer, il s'est choisi un prénom d'emprunt pour des raisons de sécurité.
Comme lui, quelque 6.000 mineurs isolés étrangers (MIE) ont été accueillis en France par les services d'aide à l'enfance des conseils généraux.
Face à cet afflux, plusieurs départements comme la Seine-Saint-Denis, la Loire-Atlantique ou l'Ille-et-Vilaine, ont tiré la sonnette d'alarme sur la saturation de leur services, en appelant l'Etat à prendre ses responsabilités et répartir équitablement les charges liées à leur accueil.
L'histoire d'Andi est impressionnante: menacé de mort, il a échappé à la loi du talion en gagnant clandestinement la France, après un épuisant périple de plus de six jours en camion. Après disputes et bagarres, son père avait tué deux hommes à cause d'un conflit sur des terres: la famille des victimes réclamant son sang, il a fini par être assassiné par vengeance après avoir vécu caché dans la montagne.
Sa mort violente n'a pas suffi à protéger son fils unique. Au contraire, la loi du "Kanun" - un code civil et d'honneur rédigé au XVe siècle par un seigneur albanais et prônant la vengeance par le sang - s'est abattue sur lui. "Deux de leurs hommes ont été tués, il leur fallait en tuer deux", explique calmement Andi.
Les menaces pleuvent sur le garçon alors âgé de 10 ans. Il évite de sortir seul, fréquente l'école sous la protection de "très bons amis de confiance", essaie d'alerter la police. Il finit par décider de fuir pour l'Angleterre car il parle quelques mots d'anglais. "J'y étais obligé", souligne-t-il, "sinon j'avais la même fin que mon père".
Avec l'aide financière de sa mère et grâce au bouche à oreille, il trouve un passeur qui, pour 3.000 euros, l'amène en six jours à la frontière française, en camion. "Les passeurs voulaient 2.000 euros supplémentaires pour aller jusqu'en Angleterre, je ne les avais pas", raconte Andi.
Déposé seul à minuit au bord d'une quatre voies, à plusieurs kilomètres d'une grande ville, il dit avoir "marché jusqu'à 4 heures du matin" vers le centre. "J'étais très fatigué, j'ai demandé aux gens 'asile', 'asile', on m'a dit de prendre le bus N°11", témoigne-t-il.
Progressant rapidement en français grâce aux cours qu'il suit régulièrement, l'adolescent n'a pas de projets précis de métier, juste l'envie de travailler "en toute tranquillité".
Grand et mince, l'adolescent porte en permanence un pendentif représentant l'aigle à deux têtes symbole de l'Albanie: "j'en suis fier, c'est comme un signe de reconnaissance, grâce à lui, j'ai trouvé des amis ici".AFP