Accueil des mineurs isolés étrangers : les départements lancent un cri de détresse

Depuis la décision du conseil général de Seine-Saint-Denis de ne plus accueillir de nouveaux mineurs isolés étrangers à compter du 1er septembre 2011, l’Etat, mis face à ses responsabilités, est sommé de soulager des départements au bord de l’asphyxie.
La Seine-Saint-Denis avait posé son ultimatum dans une lettre adressée au garde des Sceaux le 22 juillet 2011 : sans solution proposée par le gouvernement pour soulager le département de la prise charge des mineurs isolés étrangers (MIE), Claude Bartolone, président (PS) du conseil général de la Seine-Saint-Denis, refuserait d’accueillir de nouveaux arrivants à compter du 1er septembre. Face au silence de l’Etat, il a mis sa menace à exécution. En effet, depuis cette date, le département renvoie tout nouveau MIE vers les services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).
Situation intenable – « Je comprends parfaitement la position de Claude Bartolone, admet Patrick Kanner, président (PS) du conseil général du Nord et membre de la commission exécutive de l’Assemblée des départements de France (ADF). Nous sommes arrivés au bout du bout de ce que peuvent supporter les conseils généraux concernés par ces flux migratoires. Les travailleurs sociaux sont en souffrance, les établissements d’accueil saturés et la charge financière beaucoup trop lourde. Il est temps que le gouvernement prenne ses responsabilités ! » 
Car une dizaine de départements seulement concentrent les 6 000 MIE que l’on estime présents sur le sol français, Paris et la Seine-Saint-Denis en tête. Dans la capitale, 1 600 de ces mineurs sont pris en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE), ce qui, en 2010, représentait un budget de 70 millions d’euros. 
Et ils sont près d’un millier en Seine-Saint-Denis, pour un budget de 35 millions d’euros, projeté à 42 millions pour 2011. « A Paris, la situation est devenue intenable, confirme Romain Lévy, adjoint (PS) au maire chargé de la protection de l’enfance. De 800 MIE accueillis à l’ASE en 2008, nous sommes passés à 1600 avant l’été. Cela représente un quart des enfants suivis par nos services. Le maire de Paris tient à y mettre les moyens, mais jusqu’à quand ? Nos budgets ne sont pas extensibles et doivent rester à l’équilibre, contrairement à ceux de l’Etat ! » Et l’élu de dénoncer une politique migratoire absurde qui ne permet pas à des jeunes qui ont été formés durant leur passage à l’ASE, ayant une réelle volonté d’intégration, d’obtenir un titre de séjour à leur majorité.

Solidarité nationale – Dans son rapport sur les MIE (mai 2010),Isabelle Debré, sénatrice (UMP) des Hauts-de-Seine, préconisait de créer, au sein du Fonds national de protection de l’enfance, un fonds d’intervention destiné aux départements particulièrement confrontés à l’accueil des MIE. Mais le compte n’y est pas, loin s’en faut. « Sur les 102 millions d’euros que l’Etat doit à la ville au titre de l’accueil des MIE, nous n’avons perçu que 178 000 euros ! » s’insurge Romain Lévy. Il en appelle à la solidarité nationale. Pour l’heure, le gouvernement n’a toujours rien annoncé. « L’Etat est en train d’assécher l’esprit de la décentralisation en nous chargeant la barque, analyse Patrick Kanner. Mais il ne faut pas que ces enfants deviennent une variable d’ajustement de nos difficultés institutionnelles. » L’ADF a donc décidé de monter au créneau et de solliciter un rendez-vous avec le Premier ministre pour engager des négociations. (lagazettedescommunes.com)

En Seine-Saint-Denis, la situation est devenue ubuesque

« Cela m’arrache le cœur de dire non à ces mineurs isolés étrangers [MIE], mais je tiendrai bon. Je ne veux plus me contenter des promesses d’un Etat qui fait la sourde oreille depuis dix ans », s’insurge Claude Bartolone, président (PS) du Conseil général de Seine-Saint-Denis. Suite à son refus d’exécuter les décisions de placement des MIE à compter du 1er septembre, Claude Bartolone a été contacté par le Garde des Sceaux, qui, pour calmer le jeu, lui a d’emblée annoncé une réunion interministérielle entre l’Intérieur, la Justice et la Cohésion sociale pour le 5 septembre, évoquant même un projet de loi en préparation. « Mais depuis cette date, il est aux abonnés absents », déplore Claude Bartolone, et cette fameuse réunion ne semblait figurer sur aucun agenda…
Foyers pour mineurs délinquants – De son côté, la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) de Seine-Saint-Denis, un service de l’Etat vers qui le conseil général oriente désormais tout nouveau MIE, s’est rapidement trouvée débordée. « Nous sommes en situation de blocage », regrette Francis Monge, directeur territorial de la PJJ de Seine-Saint-Denis. Entre le 1er et le 9 septembre, 25 enfants ont été reçus par le service éducatif auprès du tribunal (SEAT) : huit ont été placés dans les foyers pour jeunes délinquants de la PJJ, dix ont pu être orientés vers les secteurs habilités. Les autres ont été priés de revenir le lendemain, faute de place. « Tous nos moyens sont dédiés aux mineurs qui nous sont confiés dans un cadre pénal, en alternative à l’incarcération. Sur le département, nous ne disposons que de trois foyers de douze places, réservés aux mineurs délinquants. Nous avons fait un geste, en accueillant huit MIE, mais en quatre jours, nous étions déjà saturés ! » explique Francis Monge, qui admet les limites d’une telle cohabitation.
Communiquer par gestes - Quant au SEAT, il fait de son mieux pour orienter ces enfants démunis. « Jusqu’au 8 septembre, nous n’avions pas d’interprète. Nous ne pouvions communiquer que par gestes ! souligne Francis Monge. Nous avons dorénavant accès au service d’interprétariat du tribunal, mais cela ne suffit malheureusement pas. Il nous manque un éclairage pour évaluer correctement les situations d’urgence. » Une mission qui était dévolue à la plate-forme d’évaluation du conseil général, et qui a cessé de fonctionner depuis le 1er septembre. Aujourd’hui, la PJJ appelle de ses vœux la réouverture de ce service. Mais Claude Bartolone, qui entend lancer un signal fort au Gouvernement, peut difficilement revenir en arrière.(lagazettedescommunes.com)

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