À Noël, pas de blues pour les « brothers» du service d'accueil des mineurs étrangers

« Regardez-les : ce sont tous mes petits frères. » Assis dans un coin de la grande pièce à vivre, Serge embrasse du regard sa ribambelle de frangins. Amara, Touré, Reagan, Mzoo ont tous 17 ans, comme lui. Drôle de fratrie cosmopolite, formée de « quintuplés » qui n'ont pas grandi ensemble. Impossible, ils sont nés à des centaines de kilomètres les uns des autres : Amara et Touré en Guinée Konakry, Reagan en République démocratique du Congo, Mzoo et Serge au Cameroun. Et pourtant, ces grands ados se sont constitué une nouvelle famille dans cette grande bâtisse plantée au coeur de Ronchin.



Créer du lien


Ici, tout est fait pour créer des liens rapidement. On dort à deux ou trois par chambre, mais les garçons au premier étage, les filles au second (il y a lien et lien, quand même !). L'ensemble est réglé comme du papier à musique par les sept éducateurs. « Nous sommes leur premier accueil quand ils arrivent en France et dans la métropole lilloise, indique Idir, moniteur. C'est assimilé à une famille pour eux et à leurs yeux, les trois maîtresses de maison deviennent vite les mamans de la structure. » Les règles sont claires, chacun doit participer aux taches ménagères, les repas se préparent ensemble, se prennent autour de la même table. La bonne humeur ambiante n'est inscrite dans aucun règlement intérieur, mais elle fait partie du quotidien à table. Ce sera aussi le cas demain soir, pour un réveillon forcément un peu spécial. « C'est la première fois que nous sommes tous loin de chez nous au moment de fêter Noël, expliquent les garçons. Ça fait mal de ne pas être avec la famille, c'est pour ça que c'est important d'être ensemble, ici. Noël, c'est une journée où, même si tu es fâché, si tu as beaucoup de douleurs, tu fais l'effort d'être heureux et content avec les autres. » En quelques mots, avec pudeur, ils viennent de se dévoiler. De résumer ce déchirement avec lequel ils ont appris à composer depuis peu de temps. Comme Ibrahim, 16 ans, qui vient passe la tête par la porte entrouverte : ce jeune Bengladais est arrivé la semaine dernière. Derrière toutes leurs statures de jeunes hommes solidement bâtis se cachent encore de grands enfants au regard parfois un peu triste en cette fin d'année. Parce que Noël quand même, c'est quelque chose. « Au Cameroun, c'est une très grande journée où on célèbre aussi des baptêmes, des premières communions, confie Mzoo.


On rassemble toute la famille, c'est un événement ! » Ce sera un peu moins animé, demain soir, mais il ne devrait pas perdre au change. Parce que tout le monde est impatient de faire la fête. Y compris Amara et son air grave sous ses cheveux en pointe. « Je suis musulman, explique-t-il. Dans ma religion, on ne fête pas Noël mais au pays, nous avions l'habitude de le célébrer en rendant visite à nos amis chrétiens. J'y ai toujours participé. »


Repas traiteur


Il s'est donc prêté de bonne grâce à un rituel immuable auquel les pensionnaires tenaient beaucoup : décorer le sapin. « Nous y sommes habitués depuis la naissance, sourit Serge. S'il n'y a pas de sapin, il n'y a pas de fête de Noël. Alors nous l'avons fait avec beaucoup d'amour, avec les petits frères. » Philosophe à l'oeil rieur, le papa poule de cette joyeuse bande s'implique beaucoup dans l'organisation de la fête. Et pour l'occasion, le SAMIE met les petits plats dans les grands : un repas traiteur et un cadeau pour chaque pensionnaire. Les jeunes ont pu émettre chacun un souhait. Ce sera donc des baskets montantes pour Amara, un lecteur MP3 pour Reagan, une carte cadeau pour Mzoo et... « on verra pour moi, rigole Serge. J'adore les surprises !


» Cette nouvelle famille en est déjà une, qu'il savoure à sa juste valeur.lavoixdunord.fr
Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...

 

Minori Stranieri Non Accompagnati © 2015 - Designed by Templateism.com, Plugins By MyBloggerLab.com