Par Marc Leplongeon
Chaque année, des mineurs passent seuls la frontière française et sont pris en charge par les départements. Mais leur budget explose...
Les juges pour enfants n'en peuvent plus du bricolage. Ils réclament une solution nationale pour gérer les quatre mille à six mille mineurs non accompagnés qui vivent en France métropolitaine. Ils viennent d'Afrique, d'Inde ou encore d'Europe de l'Est, certains ont fui leur pays pour échapper aux violences des révolutions arabes. D'autres sont "mandatés" pour réussir en France et aider financièrement leur famille.
"Les jeunes viennent souvent avec des projets précis d'insertion, ils ne sont pas là par hasard", confie Évelyne Monpierre, juge pour enfants et membre de l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF). Lorsqu'ils arrivent sur le territoire, les enfants étrangers sont en situation irrégulière. Leur minorité les rend cependant inexpulsables. Les autorités publiques, qu'elles le veuillent ou non, doivent donc composer avec le phénomène. "Lorsqu'ils arrivent devant le juge, nous pouvons prendre une ordonnance de placement provisoire en attendant que leur situation s'éclaircisse", poursuit la magistrate. Problème : qui finance cette prise en charge des jeunes ? Pas de bricolage sur le dos des enfants
"L'État considère que ces enfants relèvent de l'Aide sociale à l'enfance (Ase), et donc des départements. Les conseils généraux, eux, affirment que cela relève de la politique migratoire, et donc de l'État", résume Clément Prunières, de l'Assemblée des départements de France. Les départements consacreraient en effet plus de 200 millions d'euros par an à la prise en charge de ces enfants, 45 millions en 2011 pour la seule Seine-Saint Denis. À tel point que, fin 2011, Claude Bartolone, alors président du conseil général, avait entamé un véritable bras de fer avec l'État, refusant de prendre en charge plus de mineurs. L'Ille-et-Vilaine est, elle aussi, particulièrement touchée et tire la sonnette d'alarme : s'occuper des mineurs non accompagnés peut représenter jusqu'à 15 % de son budget.
L'ancien ministre de la Justice Michel Mercier s'était saisi de ce dossier épineux. "Il a simplement décidé de répartir les enfants dans plusieurs départements. Il soulage ainsi certains conseils généraux, comme la Seine-Saint-Denis, qui faisaient face à des flux très importants", explique Jean-Pierre Rosenczveig, président du Bureau international des droits de l'enfant (BIDE) et du tribunal pour enfants de Bobigny. "Mais aucune politique globale n'est ressortie de l'ouverture du dossier, et on a continué à traiter les enfants comme des paquets", ajoute-t-il. Sur son blog, le magistrat dénonce ce statu quo qui tend, selon lui, à "éviter de faire un appel d'air avec un dispositif d'accueil trop performant"
"Limiter les dégâts"
"Que des mineurs non accompagnés entrent sur le territoire, c'est un fait. Mais après, il faut assurer le service après-vente", s'insurge Jean-Pierre Rosenczveig. "Pour une fois, on se retrouve avec un gouvernement et des départements du même bord politique... Ils devraient pouvoir s'entendre." Le président du BIDE précise la forme que l'accord pourrait prendre : "Tant que la situation juridique de l'enfant n'est pas clarifiée, c'est l'État qui paie. Lorsque l'enfant est régularisé, les conseils généraux le prennent en charge." Une proposition qui, d'après lui, permettrait de "limiter les dégâts".
Jean-Pierre Rosenczveig se dit prêt à endosser le "rôle d'arbitre" entre conseils généraux et État. Encore faut-il que Christiane Taubira, qui a mis sur la table le dossier de la justice des enfants, ait réellement l'intention de se pencher sur ce dossier.
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