Une vingtaine de mineurs étrangers sont « placés » par le Conseil général d’Ille-et-Vilaine depuis environ six mois à l’Auberge Saint-Martin à Rennes, vouée à la démolition. Les collectifs de soutien estiment le bâtiment « délabré » et se disent « indignés » par cette situation.
Le bâtiment, rue de Saint-Malo, a des allures d’hôtel laissé à l’abandon. On ne devine la présence des jeunes étrangers qu’à quelques vêtements étendus aux fenêtres du dernier étage, au dessus d’une enseigne dont seule la moitié des lettres clignotent encore. Les mineurs en attente de placement dans des foyers ou familles d’accueil gravitent dans le bâtiment, devenu leur lieu de résidence ces derniers mois. La décision de justice statuant sur leur prise en charge se fait attendre.
Des conditions d’hébergement inadaptées
La situation matérielle des jeunes a focalisé l’attention des collectifs. Le Collectif de soutien aux personnes sans-papiers de Rennes accuse le Conseil général d’Ille-et-Vilaine, chargé de leur accueil, d’"abandon". Les membres du collectif dénoncent aussi le placement des mineurs dans des structures "non adaptées à leur âge et à leur condition". Le collectif a tenté d’adresser au Conseil général un "signalement pour enfance en danger" déplorant la situation des jeunes, le "manque d’encadrement", et "l’absence d’information sur leurs droits". Ils n’ont pas été reçus et l’action "d’occupation" des locaux du Conseil général s’est soldée par une évacuation par les forces de police.
Le gérant de l’Auberge Saint-Martin, jovial, se raidit quelque peu à l’évocation de la situation des mineurs hébergés dans son établissement. Pour lui, la mission est remplie : "iIs ont un toit, vivent ici en famille, logés, nourris, blanchis. Ils sont contents de venir ici, c’est la belle vie". Un des jeunes grimace : "il faut nettoyer les chambres, les toilettes, laver les vêtements… et se préparer à manger tout seuls le week-end". Le bâtiment, voué à la démolition, se fait vieux et le chauffage connaît des dysfonctionnements. Certains jeunes disent avoir "peur" parce que la porte située à l’arrière du bâtiment reste ouverte la nuit. Le gérant souligne, avec un soupir qu’ "au moins, ils ont un toit". Rozenn Geffroy, élue PS au Conseil général en charge du dossier, reconnaît que la « situation est loin d’être satisfaisante »
Manquement au devoir d’information ?
La mission "mineurs isolés étrangers" (MIE), a pour objectif de "veiller au respect des droits des jeunes et à l’information complète de leur situation". Une jeune Angolaise logée à l’auberge affirme pourtant n’avoir jamais été informée de ses droits : "on m’a amenée à la visite médicale. C’était comme ça, on ne m’a pas demandé". Le collectif de soutien aux personnes sans-papiers va jusqu’à évoquer un « manquement délibéré en matière d’accès à l’information ». Rozenn Geffroy refuse ce "procès d’intention" et souligne que la multiplication des demandes réduit la disponibilité d’un "personnel exemplaire".
Le Conseil général "débordé"
Le Collectif de soutien aux sans-papiers relève que "le suivi se résume à une visite quotidienne par un travailleur social" qui ne proposerait "aucune activité" récréative ou formatrice. Les jeunes semblent s’être faits à l’idée que la situation, qui dure depuis des mois, se prolongera. La jeune Angolaise explique d’une moue résignée que "les responsables ne viennent pas". Espérant se perfectionner dans la langue française, elle va de sa propre initiative à la bibliothèque : "je dois y aller seule pour avoir une chance, c’est comme ça", conclut-elle, pressée d’écourter l’entretien.
Rozenn Geffroy affirme que "l’engagement du Conseil général n’est pas anodin". La mission MIE créée il y a dix-huit mois pour gérer l’impressionnante augmentation des arrivées des jeunes migrants, est "débordée". Le nombre de mineurs isolés étrangers serait passé de 5 en 2003 à environ 450 en octobre 2012. Le dispositif est prévu pour les prendre en charge en attente d’une décision de justice fixant leur statut légal. "Normalement, la décision doit intervenir dans les 5 jours…" regrette l’élue qui souligne que "le Département va déjà au-delà de ses compétences" en la matière.
La situation est "alarmante", selon Rozenn Geffroy. Le Conseil général a par ailleurs sollicité Christiane Taubira, ministre de la Justice et Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’Etat, pour répondre à cette situation pressante. L’Ille-et-Vilaine est en effet le troisième département, après Paris et la Seine-Saint-Denis, en terme d’accueil de mineurs étrangers. En attendant, l’incertitude règne en ce qui concerne le devenir des jeunes logés à l’Auberge Saint-Martin. Aucune solution n’a encore été trouvée pour assurer leur hébergement après la démolition du bâtiment.
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