Mineurs isolés étrangers : une réforme efficace … mais déjà rediscutée

Après un été test, la nouvelle répartition territoriale des mineurs isolés étrangers (MIE) affiche un bilan satisfaisant. Pourtant, l’ampleur de la charge pourrait fragiliser le nouvel équilibre.
Derrière la polémique, la révolution. Alors que Jean Arthuis, président (UDI) du conseil général de la Mayenne – où environ 60 mineurs isolés étrangers sont actuellement pris en charge -, faisait résonner au creux de l’été son refus d’intégrer tout nouveau MIE, la réforme de l’accueil de ces jeunes se mettait rapidement en place sur le terrain.

Le ministère de la Justice et l’Assemblée des départements de France (ADF), partenaires du « dispositif national de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation des mineurs étrangers isolés », ratifié par une circulaire ministérielle du 31 mai 2013, tirent un même bilan, positif, de ces premiers mois tests.
« Globalement, les conseils généraux sollicités pour accueillir des MIE en provenance de territoires saturés ont joué le jeu », explique Laurence Vagnier, directrice de projet « mineurs isolés étrangers » à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse.
Au 19 août, 425 MIE avaient été orientés selon les nouvelles règles, soit la prise en charge financière par l’Etat des cinq premiers jours d’accueil (250 euros par jour), puis une répartition entre départements (lire ci-contre) gérée par une cellule nationale.
Une unique clé de répartition - Afin de déterminer le nombre de MIE que chaque conseil général est tenu de prendre en charge, les acteurs de la réforme se sont accordés pour retenir un seul critère, celui de la part de la population de moins de 19 ans par département. Regroupant 2 % des moins de 19 ans, l’Isère recevra par exemple 2 % des MIE.
Pourquoi le nombre de places d’accueil de chaque service départemental de l’aide sociale à l’enfance n’entre-t-il pas en ligne de compte ? Car cela « aurait pénalisé ceux qui ont une forte capacité d’accueil parce que déjà fortement engagés dans la protection de l’enfance et qui auraient donc dû en faire encore plus », souligne-t-on à l’ADF.
Solidarité réelle - « 50 % des MIE arrivent sur le territoire français par l’Ile-de-France, pour des raisons de voies de migration (aéroport de Roissy), et beaucoup y restaient, entraînant des charges très lourdes. Le dispositif est basé sur une volonté d’équité », indique Laurence Vagnier, la prise en charge annuelle de l’un de ces jeunes étant estimée, en moyenne, à 50 000 euros.
Pour le département de Paris, qui accueillait environ 1 700 MIE en 2012, le budget est monté à 96 millions d’euros. « Les conseils généraux ont entendu l’appel à la solidarité territoriale. Seuls une demi-douzaine se sont montrés réticents », se félicite Jean-Pierre Hardy, responsable de la direction sociale de l’ADF. Il précise : « Et si un conseil général refusait catégoriquement un placement, le département d’origine pourrait lui facturer le coût de la garde du jeune. »
Jean-Louis Tourenne, président (PS) du conseil général d’Ille-et-Vilaine (environ 450 MIE actuellement pris en charge), qui a dirigé le groupe de travail de l’ADF chargé d’établir l’accord, martèle : « Qu’on se le dise, nous avons passé un cap essentiel ! La solidarité est souvent invoquée, mais elle se réalise rarement de façon aussi satisfaisante. »
Selon lui, le cas de la Mayenne n’est que « la manifestation la plus honteuse du refus de cette réforme. Les vraies difficultés sont celles rencontrées par des départements qui, recevant des MIE pour la première fois, ont besoin de temps pour se familiariser avec la procédure d’évaluation de minorité ».
Il insiste : « L’accueil de ces jeunes est une obligation des conseils généraux [dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance, ndlr] (1). Ceux qui se désintéressent du sort de ces enfants devraient les prendre en charge au moins dans l’intérêt de leur population. Il est évident que, lâchés dans la nature, ceux-ci ne pourraient pas trouver de moyens d’existence légaux ! »
Ce premier bilan positif est confirmé par les associations de défense des migrants. « Il semblerait que des situations aient été réglées grâce à la circulaire », témoigne Mickaël Garreau, délégué régional de La Cimade en Bretagne – Pays de la Loire.
L’heure de vérité - Si la mise en place de la cellule nationale a permis d’orchestrer la réforme, elle devrait aussi avoir un effet révélateur. Tout département étant désormais tenu de signaler l’arrivée d’un MIE sur son territoire, avant répartition, on devrait bientôt en connaître le nombre total. Cette centralisation de l’information pourrait perturber la réforme, si ce chiffre s’avère beaucoup plus élevé que les estimations.
« Notre accord avec le ministère est basé sur une estimation totale de 9 000 MIE pris en charge (sur 150 000 jeunes placés à l’aide sociale à l’enfance), note Jean-Pierre Hardy. Les quelque 400 réorientations réalisées cet été laissent à penser que le flux est plus important que prévu, ce qui aurait des conséquences importantes, notamment financières. Accueillir 30 MIE, ce n’est pas comme en accueillir 10 ! Nous demandons donc à passer, vite, à une seconde phase – la création d’un fonds national d’intervention pour soutenir les collectivités ».
Au ministère de la Justice, on reconnaît que le premier bilan chiffré est « au-dessus de ce qui était attendu ».
Selon le président (UDI) du conseil général de la Côte-d’Or (52 MIE actuellement accueillis), François Sauvadet, la situation est « déjà intenable ». « Patience ! Laissons la réforme faire son œuvre », tempère Jean-Louis Tourenne, tout en soulignant que, « sur le fonds, le cas des MIE relève de la politique de l’immigration et donc de l’Etat ».
Et d’ajouter : « Quand, à l’ADF, nous avons travaillé sur l’accord, nous avons eu beaucoup de mal à obtenir des chiffres des départements. S’ils n’ont pas une vision globale de la situation, ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes. »
Gare à l’instrumentalisation – Pierre Henry, directeur général de France terre d’asile, qui s’en tient à l’estimation de 9 000 MIE, met en garde : « La question du chiffre est propice à l’instrumentalisation. Certains diffusent l’idée d’une déferlante de migrants. Ce n’est pas le cas ! » Il préférerait que l’on reparle de la cohérence de la prise en charge. « Quel est le sens du travail réalisé par les professionnels du social, parfois pendant des années, quand ces jeunes ne sont pas, ensuite, régularisés ? » lagazettedescommunes.com

« La Seine-Saint-Denis a servi de laboratoire »

Stéphane Troussel, président (PS) du conseil général de la Seine-Saint-Denis
A l’automne 2011, mon prédécesseur a suspendu pendant quelques semaines l’accueil des mineurs isolés étrangers car la situation était devenue intenable. Les enfants étaient placés dans des conditions indignes, certains dormant dans les couloirs des foyers, et les travailleurs sociaux ne pouvaient plus remplir leur mission. La solution trouvée alors avec l’Etat a été de répartir les MIE arrivant sur notre territoire dans 21 départements.
Cette organisation préfigurait la réforme qui vient d’être adoptée. Même si nous sommes toujours l’un des départements intégrant le plus de MIE, le flux a été régulé : en 2011, nous avons procédé à 407 admissions, en 2012 à 198 et nous en sommes à 131 cette année.
En presque deux ans de fonctionnement, nous déplorons très peu d’accrocs avec les autres départements. Notre expérience démontre que la répartition est une bonne solution, même s’il faut aujourd’hui accompagner ceux qui découvrent la problématique.
Note 01:
Obligation définie par le Code de l’action sociale et des familles, et rappelée dans la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance. 
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