La police parisienne face aux enfants mendiants

Depuis la rentrée, la mendicité avec enfants se fait plus visible dans la capitale. «On constate qu'il y a de plus en plus de Roumaines avec des enfants en bas-âge qui errent dans les rues de Paris», reconnaît une source policière. «Déjà, sûrement parce qu'elles savent qu'on ne peut pas faire grand-chose contre elles. Ensuite, peut-être aussi car elles sont de plus en plus nombreuses à accoucher en France.»

Pour endiguer ce phénomène, les autorités semblent bien décidées à agir. Depuis le mois d'août, plusieurs interpellations de Roumaines ont eu lieu, notamment en Seine-Saint-Denis, où les campements sont nombreux. Ces arrestations ont été faites au nom d'un délit tombé dans l'oubli: la «privation de soins». Inscrit dans la loi sur la sécurité intérieure du 18 mars 2003, il prévoit que «le fait de maintenir un enfant de moins de 6 ans sur la voie publique (…) dans le but de solliciter la générosité des passants» est passible de sept ans d'emprisonnement et 100.000 euros d'amende.
Au moment de cette loi, une vague d'interpellations pour «privation de soins» avait eu lieu. Mais les dossiers, une fois entre les mains de la justice, avaient été classés sans suite. Les arrestations avaient alors cessé, avant de réapparaître il y a deux mois, à la surprise générale.
«Nous nous demandons vraiment pourquoi cet article de loi resurgit maintenant», réagit Damien Nantes, directeur de l'association Hors la rue, qui s'occupe de mineurs isolés étrangers à Paris. «Quel est l'objectif? De faire peur? Ça marche, les familles sont terrorisées», poursuit-il, avant d'estimer: «Nous sommes d'accord, la place des enfants n'est pas dans la rue. Mais les retirer comme ça à leur mère, de façon aussi brutale, alors qu'il s'agit souvent d'enfants allaités -qui sont du coup brutalement sevrés- ne nous semble pas être la bonne solution.»
Un point de vue toujours partagé par la justice, puisque le tribunal de Bobigny a décidé la semaine dernière de relaxer une Roumaine qui comparaissait pour avoir mendié avec son enfant de 22 mois dans la rue. Le bébé, nourri au sein, n'était pas déshydraté au moment de son arrestation et la privation de soins n'était donc pas justifiée, a estimé la cour.
Du côté des policiers, on peine à comprendre la position des juges. «Le phénomène n'est pas facile à appréhender. Il existe peu de recours pour protéger ces enfants. Si la privation de soins n'aboutit pas, notre champ d'action se retrouve bien restreint», regrette l'un d'entre eux.
Autre difficulté: les enfants que l'on voit dans les rues se trouvent parfois à des milliers de kilomètres de leurs parents biologiques. «Leurs parents ont été renvoyés en Roumanie et ils se retrouvent seuls, confiés à une famille ou un clan, qui les exploite en leur faisant faire la manche», explique-t-il. «Il y a aussi ceux dont les parents sont restés en Roumanie, et qui ont été envoyés en France pour “faire de l'argent”. C'est parfois le cas de jeunes handicapés, repérés en Roumanie par les chefs de clans, qui savent très bien qu'une fois en France, ces enfants pourront susciter la générosité des passants.»

«Provocation de mineurs à la mendicité» 

Les policiers cherchent donc un autre angle d'attaque. «Nous n'avons pas l'intention d'abandonner ces enfants. Si la privation de soins ne fonctionne pas, nous trouverons autre chose», indique une source policière. Selon nos informations, les policiers auraient l'intention de procéder désormais à des arrestations pour «provocation de mineurs à la mendicité», un délit qui existe lui aussi dans le Code pénal (article 227-20) mais qui est rarement appliqué, notamment en raison de sa complexité à prouver l'infraction. Un moyen qui permettrait de mettre directement en cause les exploitants de ces enfants (les parents, mais également les chefs de clan), avec des condamnations qui pourraient aller jusqu'à trois ans de prison, et cinq ans en cas de circonstances aggravantes.
Interrogée sur ce délit, l'association Hors la rue tient à rappeler que la grande majorité de la mendicité roumaine se fait au sein de la famille, avant tout pour survivre. «Pour réellement venir en aide à ces familles, il faudrait d'abord travailler sur leur extrême pauvreté», explique-t-on au sein de l'association. Avant de rappeler que les Roumains n'ont toujours pas le droit de travailler en France.(lefigaro.fr)

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