Monsieur le Directeur Général,
Vous avez souhaité interpeller les candidats à l'élection présidentielle sur vos propositions en matière de politique d'asile et d'immigration.
Permettez-moi, tout d'abord, de saluer l'action et l'engagement de votre association qui, depuis plus de 40 ans, défend le maintien et le développement de l'asile et le respect des engagements internationaux par la France, et qui vient en aide, au quotidien, aux réfugiés et aux migrants, et en particulier aux mineurs étrangers isolés.
Je veux dire ici que je partage votre analyse de la situation actuelle et que je constate avec plaisir que nous nous rejoignons sur de nombreuses propositions.
Ces dernières années auront combiné, en matière de politique migratoire, injustice, instabilité et même irresponsabilité.
Je veux retrouver un discours de raison, apaisé, sur les migrations. Je souhaite porter une nouvelle politique migratoire, responsable, fondée sur des règles claires, justes et stables.
Autant il est nécessaire de conduire une lutte implacable contre l'immigration irrégulière, en particulier les filières clandestines, qui fragilisent ceux qui en sont victimes ; autant je serai également clair et constant dans la sécurisation de l'immigration légale. Ce sont les conditions d'une intégration réussie dans notre pays.
Je veux être, si je suis élu, un président exemplaire dans ses paroles comme dans ses actes sur l'immigration. La France a un modèle singulier d'immigration et d'intégration à promouvoir, défendre et renforcer, qui doit conjuguer promotion de la laïcité et de l'égalité, fondements de notre République et refus des discriminations et du communautarisme.
En ce sens, j'ai souhaité réagir sur vos propositions et vous trouverez ci-après mes réponses.
Vous évoquez la politique d'asile. Je veux souligner la nécessité de protéger et renforcer ce droit fondamental, d'ailleurs garanti par des règles internationales. II est aujourd'hui nécessaire de mettre en oeuvre une autre politique de l'asile, détachée de la régulation des flux migratoires, par ailleurs nécessaire, car ne relevant pas de la même logique. C'est la vocation de la France que d'accueillir celui qui est persécuté dans son pays d'origine "du fait de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques",comme l'exige la Convention de Genève de 1951.
L'encadrement des délais est à mes yeux un sujet fondamental et je me suis déjà engagé en ce sens. Je veux, si je suis élu président de la République, que le délai entre le dépôt de la demande d'asile et la réponse soit limité à six mois. C'est une mesure indispensable. Indispensable pour ne pas laisser trop longtemps ces femmes et ces hommes dans l'incertitude. Indispensable pour assurer un accueil décent de ces demandeurs d'asile. Pour ce faire, je souhaite donc que la qualité des décisions rendues par I'OFPRA soit améliorée. Des moyens adéquats lui seront attribués et nous rendrons ses procédures plus transparentes.
L'amélioration du délai de traitement des dossiers ne se fera pas au détriment du respect des droits des demandeurs. Trop souvent, en affichant une volonté d'améliorer les procédures, le gouvernement actuel les a restreints. C'est pourquoi je reviendrai sur la procédure prioritaire telle qu'elle fonctionne aujourd'hui. Je veillerai à ce que chaque demandeur d'asile se voit garantir le droit à un recours effectif, donc suspensif. C'est une question d'égalité de traitement entre les demandeurs mais également une nécessité juridique puisque la France vient d'être condamnée par la Cour Européenne des droits de I'homme en raison de l'absence de recours dans cette procédure prioritaire.
En matière d'accueil, l'accompagnement du demandeur d'asile que ce soit en termes social ou juridique doit être prévu. J'ai conscience de la saturation de notre dispositif d'accueil, soulignée par la Commission nationale consultative des droits de I'homme. Outre une dotation adéquate du dispositif d'accueil, c'est une autre gouvernance du système qu'il faudra également privilégier. Les structures d'urgence - choix largement privilégié aujourd'hui par les pouvoirs publics - coûtent en effet plus cher que le dispositif CADA. L'encadrement du délai de réponse que je souhaite mettre en oeuvre permettra aussi d'améliorer de manière conséquente les conditions d'hébergement et d'accompagnement des demandeurs d'asile.
La politique de I'asile doit aussi être une politique européenne. Nous travaillerons de concert avec nos partenaires pour aboutir à une réelle politique commune de I'asile.
En matière de politique migratoire, après dix années qui auront vu se multiplier les amalgames et les outrances, après six lois en dix ans, nous avons surtout assisté à de trop nombreuses régressions et à une précarisation de la situation des étrangers pourtant en situation régulière. Au delà d'un nécessaire changement de politique, il nous faudra apaiser les esprits, rassembler là où il n'a été question de division. II nous faudra aussi changer de regard sur l'immigration et les migrants.
J'ai déjà affirmé ma volonté de voir sécuriser l'immigration légale. La généralisation des titres d'un an a placé, comme vous le soulignez, tous les étrangers en situation de précarité. Cette sécurisation des parcours passe notamment par l'instauration d'un titre de séjour pluriannuel. Ce titre, qui pourra être délivré au bout d'un an de présence en France, permettra à la fois de favoriser l'intégration et les projets de vie des migrants, et de s'adapter, notamment pour ceux qui viennent travailler dans notre pays, aux réalités économiques.
Je suis également attaché au respect du droit à vivre en famille. C'est un droit protégé par les conventions internationales et par notre Constitution. Je m'engage donc à ce que le droit à une vie familiale normale soit garanti et rendu plus effectif.
En matière d'immigration professionnelle, ces dernières années auront été celles d'une contradiction flagrante entre le discours et les actes. Le président sortant, qui a tant vanté l'immigration "choisie" aura achevé son quinquennat en freinant I'accès à l'emploi d'étudiants étrangers, pour la plupart très qualifiés. Sur ce sujet, je veux instaurer de la transparence et de la cohérence. Je veux donc permettre au Parlement, après une concertation avec les partenaires sociaux, les associations, de débattre des objectifs et des besoins de notre économie. Enfin, je veux, je m'y suis déjà engagé, abroger la « circulaire Guéant » qui a fait tant de mal à l'image de notre pays.
Vous évoquez I'intégration. Elle doit être un processus à double sens, l'effort doit à la fois venir de l'immigré vers la société d'accueil mais également de la société d'accueil vers l'immigré. L'actuel contrat d'accueil et d'intégration aurait pu être pertinent mais il est insuffisant. C'est pourquoi je veux permettre une réelle individualisation et un renforcement des formations notamment linguistiques.
Je veux par ailleurs lutter sans concession contre toutes les discriminations, en particulier à l'embauche et au logement.
Enfin, je me suis engagé à mettre en place le droit de vote et d'éligibilité (hors fonction de maire et d'adjoint) aux élections municipales pour les étrangers résidant régulièrement en France depuis cinq ans.
Je considère que I'accès à la nationalité doit être l'aboutissement positif de I'intégration. L'accès à la nationalité se fera sur des critères tenant compte de la bonne pratique de la langue française et de la preuve apportée d'une intégration pleinement réussie.
Vous préconisez l'interdiction de I'enfermement des enfants. Sur ce sujet, j'ai pleinement conscience de la gravité de la situation, dénoncée de toutes parts, que ce soit par la Défenseure des Enfants ou encore le Haut Commissariat aux Réfugiés. Je me suis déjà exprimé sur ce sujet, et me suis engagé à mettre fin dès mai 2012 à la rétention des enfants et donc des familles avec enfants. La protection de l'intérêt supérieur des enfants doit primer, comme nous le rappellent de nombreuses conventions internationales qui engagent la France. Des alternatives existent, comme l'assignation à résidence, elles seront mises en oeuvre.
Le sujet des mineurs étrangers isolés doit, pour sa part, être abordé en responsabilité. Le droit français, comme les conventions internationales, nous dit qu'un mineur isolé est avant tout un mineur en danger et qu'il doit être pris en charge. L'Etat a une responsabilité en la matière et ne saurait s'en décharger sur les départements comme cela est le cas aujourd'hui.
La question de la rétention est directement liée à la politique appliquée. La politique du chiffre menée par la droite depuis 2007 aura conduit à instaurer un climat délétère. Je souhaite plus globalement que la rétention redevienne l'exception et non un instrument banal de procédure. Je souhaite que soient privilégiées les alternatives à I'enfermement et, lorsque le placement en rétention est nécessaire, qu'on veille aux conditions de vie dans les centres.
Vous posez également la question des régularisations. Ma réponse est claire. Je ne procèderai à aucune régularisation massive mais je veillerai, si je suis élu, à mettre en place une procédure transparente et juste. Nous fixerons des critères précis et objectifs, qui s'appliqueront de manière uniforme sur l'ensemble du territoire et permettront de procéder à un examen individuel des demandes. J'aurai à coeur de mettre fin à l'arbitraire qui règne aujourd'hui. Parmi ces critères, figureront la durée de présence en France, le lien avec l'emploi et, bien évidemment, l'intensité des liens familiaux et notamment la scolarisation des enfants.
Vous m'interrogez sur le portage institutionnel de cette politique. La question de la gouvernance ministérielle est importante et symbolique. Je veillerai à ce qu'elle permette un traitement efficace et juste des migrations.
Surtout, je souhaite avancer vers une harmonisation des droits au niveau européen. C'est un niveau essentiel en matière de politique migratoire, évidemment dans son volet de lutte contre l'immigration irrégulière, contre les filières, par le contrôle aux frontières extérieures, qui doit se voir renforcé. Mais également dans son volet de protection des droits fondamentaux, que nous devons porter davantage au niveau européen afin de viser une hausse des standards européens.
En matière de migrations internationales, je vous rejoins sur le fait que le dialogue doit toujours être privilégié avec les pays d'origine, sans oublier la société civile et les différentes organisations.
Enfin, la Convention Internationale pour la protection des travailleurs migrants et de leurs familles n'a été ratifiée par aucun Etat membre de l'Union Européenne et par très peu d'Etats d'accueil. II faut bien sûr protéger mieux les travailleurs migrants, mais cette Convention, qui comporte des dispositions pouvant poser problème suppose une étude préalable approfondie. Elle ne pourrait être ratifiée que sous cette condition et après discussion au niveau européen, éventuellement avec des réserves interprétatives.
Je reste, avec les membres de mon équipe de campagne, à votre disposition pour tout échange sur ces points.
Je vous prie de recevoir, Monsieur le Directeur Général, l'expression de mes cordiales salutations.
L'encadrement des délais est à mes yeux un sujet fondamental et je me suis déjà engagé en ce sens. Je veux, si je suis élu président de la République, que le délai entre le dépôt de la demande d'asile et la réponse soit limité à six mois. C'est une mesure indispensable. Indispensable pour ne pas laisser trop longtemps ces femmes et ces hommes dans l'incertitude. Indispensable pour assurer un accueil décent de ces demandeurs d'asile. Pour ce faire, je souhaite donc que la qualité des décisions rendues par I'OFPRA soit améliorée. Des moyens adéquats lui seront attribués et nous rendrons ses procédures plus transparentes.
L'amélioration du délai de traitement des dossiers ne se fera pas au détriment du respect des droits des demandeurs. Trop souvent, en affichant une volonté d'améliorer les procédures, le gouvernement actuel les a restreints. C'est pourquoi je reviendrai sur la procédure prioritaire telle qu'elle fonctionne aujourd'hui. Je veillerai à ce que chaque demandeur d'asile se voit garantir le droit à un recours effectif, donc suspensif. C'est une question d'égalité de traitement entre les demandeurs mais également une nécessité juridique puisque la France vient d'être condamnée par la Cour Européenne des droits de I'homme en raison de l'absence de recours dans cette procédure prioritaire.
En matière d'accueil, l'accompagnement du demandeur d'asile que ce soit en termes social ou juridique doit être prévu. J'ai conscience de la saturation de notre dispositif d'accueil, soulignée par la Commission nationale consultative des droits de I'homme. Outre une dotation adéquate du dispositif d'accueil, c'est une autre gouvernance du système qu'il faudra également privilégier. Les structures d'urgence - choix largement privilégié aujourd'hui par les pouvoirs publics - coûtent en effet plus cher que le dispositif CADA. L'encadrement du délai de réponse que je souhaite mettre en oeuvre permettra aussi d'améliorer de manière conséquente les conditions d'hébergement et d'accompagnement des demandeurs d'asile.
La politique de I'asile doit aussi être une politique européenne. Nous travaillerons de concert avec nos partenaires pour aboutir à une réelle politique commune de I'asile.
En matière de politique migratoire, après dix années qui auront vu se multiplier les amalgames et les outrances, après six lois en dix ans, nous avons surtout assisté à de trop nombreuses régressions et à une précarisation de la situation des étrangers pourtant en situation régulière. Au delà d'un nécessaire changement de politique, il nous faudra apaiser les esprits, rassembler là où il n'a été question de division. II nous faudra aussi changer de regard sur l'immigration et les migrants.
J'ai déjà affirmé ma volonté de voir sécuriser l'immigration légale. La généralisation des titres d'un an a placé, comme vous le soulignez, tous les étrangers en situation de précarité. Cette sécurisation des parcours passe notamment par l'instauration d'un titre de séjour pluriannuel. Ce titre, qui pourra être délivré au bout d'un an de présence en France, permettra à la fois de favoriser l'intégration et les projets de vie des migrants, et de s'adapter, notamment pour ceux qui viennent travailler dans notre pays, aux réalités économiques.
Je suis également attaché au respect du droit à vivre en famille. C'est un droit protégé par les conventions internationales et par notre Constitution. Je m'engage donc à ce que le droit à une vie familiale normale soit garanti et rendu plus effectif.
En matière d'immigration professionnelle, ces dernières années auront été celles d'une contradiction flagrante entre le discours et les actes. Le président sortant, qui a tant vanté l'immigration "choisie" aura achevé son quinquennat en freinant I'accès à l'emploi d'étudiants étrangers, pour la plupart très qualifiés. Sur ce sujet, je veux instaurer de la transparence et de la cohérence. Je veux donc permettre au Parlement, après une concertation avec les partenaires sociaux, les associations, de débattre des objectifs et des besoins de notre économie. Enfin, je veux, je m'y suis déjà engagé, abroger la « circulaire Guéant » qui a fait tant de mal à l'image de notre pays.
Vous évoquez I'intégration. Elle doit être un processus à double sens, l'effort doit à la fois venir de l'immigré vers la société d'accueil mais également de la société d'accueil vers l'immigré. L'actuel contrat d'accueil et d'intégration aurait pu être pertinent mais il est insuffisant. C'est pourquoi je veux permettre une réelle individualisation et un renforcement des formations notamment linguistiques.
Je veux par ailleurs lutter sans concession contre toutes les discriminations, en particulier à l'embauche et au logement.
Enfin, je me suis engagé à mettre en place le droit de vote et d'éligibilité (hors fonction de maire et d'adjoint) aux élections municipales pour les étrangers résidant régulièrement en France depuis cinq ans.
Je considère que I'accès à la nationalité doit être l'aboutissement positif de I'intégration. L'accès à la nationalité se fera sur des critères tenant compte de la bonne pratique de la langue française et de la preuve apportée d'une intégration pleinement réussie.
Vous préconisez l'interdiction de I'enfermement des enfants. Sur ce sujet, j'ai pleinement conscience de la gravité de la situation, dénoncée de toutes parts, que ce soit par la Défenseure des Enfants ou encore le Haut Commissariat aux Réfugiés. Je me suis déjà exprimé sur ce sujet, et me suis engagé à mettre fin dès mai 2012 à la rétention des enfants et donc des familles avec enfants. La protection de l'intérêt supérieur des enfants doit primer, comme nous le rappellent de nombreuses conventions internationales qui engagent la France. Des alternatives existent, comme l'assignation à résidence, elles seront mises en oeuvre.
Le sujet des mineurs étrangers isolés doit, pour sa part, être abordé en responsabilité. Le droit français, comme les conventions internationales, nous dit qu'un mineur isolé est avant tout un mineur en danger et qu'il doit être pris en charge. L'Etat a une responsabilité en la matière et ne saurait s'en décharger sur les départements comme cela est le cas aujourd'hui.
La question de la rétention est directement liée à la politique appliquée. La politique du chiffre menée par la droite depuis 2007 aura conduit à instaurer un climat délétère. Je souhaite plus globalement que la rétention redevienne l'exception et non un instrument banal de procédure. Je souhaite que soient privilégiées les alternatives à I'enfermement et, lorsque le placement en rétention est nécessaire, qu'on veille aux conditions de vie dans les centres.
Vous posez également la question des régularisations. Ma réponse est claire. Je ne procèderai à aucune régularisation massive mais je veillerai, si je suis élu, à mettre en place une procédure transparente et juste. Nous fixerons des critères précis et objectifs, qui s'appliqueront de manière uniforme sur l'ensemble du territoire et permettront de procéder à un examen individuel des demandes. J'aurai à coeur de mettre fin à l'arbitraire qui règne aujourd'hui. Parmi ces critères, figureront la durée de présence en France, le lien avec l'emploi et, bien évidemment, l'intensité des liens familiaux et notamment la scolarisation des enfants.
Vous m'interrogez sur le portage institutionnel de cette politique. La question de la gouvernance ministérielle est importante et symbolique. Je veillerai à ce qu'elle permette un traitement efficace et juste des migrations.
Surtout, je souhaite avancer vers une harmonisation des droits au niveau européen. C'est un niveau essentiel en matière de politique migratoire, évidemment dans son volet de lutte contre l'immigration irrégulière, contre les filières, par le contrôle aux frontières extérieures, qui doit se voir renforcé. Mais également dans son volet de protection des droits fondamentaux, que nous devons porter davantage au niveau européen afin de viser une hausse des standards européens.
En matière de migrations internationales, je vous rejoins sur le fait que le dialogue doit toujours être privilégié avec les pays d'origine, sans oublier la société civile et les différentes organisations.
Enfin, la Convention Internationale pour la protection des travailleurs migrants et de leurs familles n'a été ratifiée par aucun Etat membre de l'Union Européenne et par très peu d'Etats d'accueil. II faut bien sûr protéger mieux les travailleurs migrants, mais cette Convention, qui comporte des dispositions pouvant poser problème suppose une étude préalable approfondie. Elle ne pourrait être ratifiée que sous cette condition et après discussion au niveau européen, éventuellement avec des réserves interprétatives.
Je reste, avec les membres de mon équipe de campagne, à votre disposition pour tout échange sur ces points.
Je vous prie de recevoir, Monsieur le Directeur Général, l'expression de mes cordiales salutations.
Bien à vous,
François Hollande
france-terre-asile.org