Dans une saisine adressée au Défenseur des droits le 13 avril 2012, quinze organisations ont dénoncé les conditions de prise en charge des mineurs isolés étrangers en région parisienne, et plus particulièrement en Seine-Saint-Denis et à Paris.
Certains éléments de cette saisine apparaissent pertinents, et rejoignent des préoccupations soulevées par France terre d’asile depuis de nombreuses années. Néanmoins, les signataires de la saisine semblent souvent se tromper de responsable en dénonçant à tort certains aspects du travail de notre organisation, impliquée sans relâche depuis près de quinze ans dans des actions de terrain et de plaidoyer en faveur des mineurs isolés étrangers ou encore en ciblant les départements les plus engagés, notamment Paris, sur le terrain de la protection.
Aussi, il convient d’apporter quelques précisions à propos de certains éléments évoqués.
L’évaluation pratiquée à la Permanence d’accueil et d’orientation des mineurs isolés étrangers (PAOMIE) à Paris s’appuie sur une grille d’analyse comportant 14 catégories, qui permettent de constituer un faisceau d’éléments pertinents pour déterminer l’orientation la mieux adaptée. L’apparence physique n’est en aucun cas le critère prépondérant de l’évaluation comme cela a été écrit, puisque que l’intitulé « Apparence physique et comportement » ne constitue qu’une seule de ces 14 catégories. Par ailleurs la mise en œuvre d’examens d’âge osseux, que nous critiquons depuis de nombreuses années, n’est évidemment jamais initiée à l’initiative de notre association comme le texte le laisse supposer.
Alors qu’aucune méthode de détermination de l’âge ne permet de garantir une totale fiabilité, et que la détermination médicale de l’âge a été dénoncée à raison pour son imprécision par les acteurs de la société civile mais aussi par de nombreuses instances nationales, européennes et internationales, il convient de faire un choix en la matière. Le nôtre a été de s’appuyer sur le modèle mis en œuvre au Royaume Uni et unanimement présenté comme une bonne pratique en Europe, à savoir une évaluation sociale reposant sur une multitudes de critères (parcours migratoire, scolarisation, liens familiaux…) appréciés par des professionnels formés à la problématique des mineurs isolés étrangers. C’est en ce sens que nous souhaitons d’ailleurs voir évoluer les normes nationales et européennes dans ce domaine, comme l’a d’ailleurs préconisé le Conseil de l’Europe dans une récente résolution (Résolution 1810-2011 « Problèmes liés à l’arrivée, au séjour et au retour d’enfants non accompagnés en Europe »).
La pertinence de la localisation de la maraude quotidienne de France terre d’asile visant à repérer les mineurs à la rue à Paris est également évoquée dans la saisine. Il convient de préciser que cette localisation n’est pas choisie au hasard et correspond au lieu où se regroupent depuis plusieurs années de nombreux migrants, dont les mineurs, en raison de la proximité des distributions de repas et du passage des bus proposant un hébergement d’urgence. Faire le tour de Paris à travers des maraudes n’aurait aucun sens dans la situation actuelle où l’Etat ne finance des places d’hébergement que pour 25 mineurs, un nombre largement atteint chaque soir sur le lieu unique de maraude actuel. Bien qu’insuffisante aujourd’hui, cette prise en charge quotidienne de 25 mineurs depuis 2009, a d’ailleurs été rendue possible grâce à notre présence sur le terrain et nos actions menées envers les pouvoirs publics. Plus généralement, les termes de la saisine semblent idéaliser le dispositif « Versini » tel que mis en œuvre dans les premières années de son fonctionnement. Il convient en ce sens de rappeler que ce dernier a évolué dès son origine au regard des réalités de terrain. Cette action initialement destinée aux mineurs non demandeurs de protection s’est élargie dès les premières années, au regard de la situation de terrain et du nombre de places proposées, à tous les mineurs étrangers à la rue à Paris.
Ces précisions étant faites, nous partageons le constat d’une situation insatisfaisante concernant l’accueil des mineurs isolés étrangers sur le territoire français. A ce titre nous rappelons trois axes de réflexion qui nous paraissent prioritaires pour améliorer la prise en charge de ces enfants :
- La mise en œuvre d’une meilleure répartition financière au plan national des coûts liés à la prise en charge des mineurs isolés étrangers, qui pèsent aujourd’hui de façon disproportionnée sur quelques départements.
- L’établissement d’une méthode de détermination de l’âge pertinente applicable sur l’ensemble du territoire national, respectueuse des droits de l’enfant.
- L’application sans réserve de la notion de danger contenue dans le Code civil et entraînant la mise en œuvre d’une mesure d’assistance éducative, pour tous les mineurs étrangers présents sur le territoire sans la présence d’un représentant légal permettant de veiller à leur santé, leur sécurité, leur éducation ou encore leur développement physique (art. 375 du Code civil).
Les querelles de positionnement associatives (gestionnaires contre protestataires) sont absurdes et ne doivent pas occulter l’impératif de protection auquel l’Etat est tenu au titre de la Convention internationale des droits de l’enfant (art. 20). C’est sur la base d’une expertise qualifiée que France terre d’asile agit en faveur du respect des droits de ces mineurs, dans le cadre de ses dispositifs et par le développement d’un plaidoyer juste, précis, et visant les interlocuteurs pertinents afin d’aboutir à une meilleure prise en charge des mineurs isolés étrangers en France et en Europe.
france-terre-asile.org