Alors que la situation de l'île de Mayotte, qui se trouve entre le continent africain etMadagascar, est devenue très difficile du fait de l'importance des flux migratoires irréguliers, le Défenseur des droits, Dominique Baudis, a adressé, vendredi 19 avril, ses recommandations au gouvernement. Ce document, que Le Monde a pu se procurer, fait suite à un déplacement de M. Baudis à Mayotte, en novembre 2012.
Les difficultés sont nombreuses sur l'île (Le Monde du 28 décembre 2012) mais le Défenseur des droits a pris le parti de cibler ses recommandations là où les atteintes aux droits sont, à ses yeux, les plus criantes : sur le sort des mineurs étrangers isolés. Ils sont environ 3 000 sur l'île de 376 km2, livrés plus ou moins à eux-mêmes, soit le tiers de tous ceux qui arrivent en métropole. La plupart de ces jeunes sont envoyés seuls par leur famille depuis les Comores, l'archipel voisin, distant de seulement 70 km et qui compte parmi les pays les plus pauvres au monde (139e sur 182). Beaucoup de mineurs se retrouvent aussi isolés après l'expulsion de leurs parents sans papiers, ces derniers préférant taire aux forces de l'ordre qu'ils ont des enfants sur l'île.
Or, estime M. Baudis, le manque de moyens pour résoudre ce que beaucoup d'experts considèrent comme une "bombe à retardement" ne peut plus être avancé. Le 1er janvier 2014, une enveloppe de 200 millions d'euros doit être débloquée par l'Union européenne pour les territoires ultramarins des Etats membres (Guadeloupe, Martinique, Canaries, Açores, etc.), considérés comme des régions "ultrapériphériques". Mayotte en fait partie.
UN SEUL FOYER SUR L'ÎLE
Avec cet argent, dont il est d'ores et déjà prévu que le montant double d'ici à 2016, il faut que "des projets de nature à apporter des réponses urgentes" soient élaborés "sans tarder", recommande le Défenseur des droits. A défaut, c'est le projet du conseil général de l'île – dont la gestion est dénoncée depuis des années par la chambre régionale des comptes – qui pourrait emporter la mise, soit une piste d'aéroport pour les vols long-courriers.
Avec cette somme, M. Baudis propose avant tout de renforcer la "protection" des mineurs en créant diverses structures pour les repérer, les héberger et lesaccompagner. Actuellement, l'aide sociale à l'enfance (ASE) est démunie, à Mayotte. Elle ne dispose que de trois assistantes sociales. Les familles d'accueil hébergent jusqu'à six enfants. Et le seul foyer de l'île ne compte que sept places.
En matière de santé, M. Baudis recommande également que les enfants puissent accéder rapidement à une affiliation directe à la Sécurité sociale. Aujourd'hui, seule une prise en charge des soins "urgents" est possible, et uniquement à l'hôpital. L'aide médicale d'Etat, le système qui permet en métropole aux étrangers irréguliers de se faire soigner sans conditions, n'existe pas à Mayotte.
ECOLES EN PRÉFABRIQUÉ
Le Défenseur des droits insiste aussi sur l'école. Malgré l'obligation d'être scolarisé qui concerne tous les enfants âgés de moins de 16 ans, quelle que soit leur situation administrative, un certain nombre de jeunes n'ont pas trouvé de place dans les écoles de Mayotte en 2013. Une difficulté liée à la fois à des discriminations et à un manque d'équipements. A ce titre, M. Baudis recommande d'envisager la création d'écoles en préfabriqué, en attendant mieux.
M. Baudis insiste enfin pour développer "une politique de prévention spécialisée"envers les mineurs isolés. Près de 20 % des 3 000 recensés n'ont en effet aucun adulte référent. Un grand nombre des poubelles renversées de l'île le sont de leur fait, celles-ci étant leur seul moyen de subsistance. Leur violence va en outre croissant. Mayotte connaît depuis peu une forte hausse des cambriolages avec agression qui leur sont attribués.