Mineurs isolés étrangers en Ariège : une “filière familiale et tribale” démantelée

En janvier 2012, les policiers appaméens reçoivent au commissariat deux personnes se présentant comme “mineurs isolés étrangers” venant du Congo. Ce genre d’arrivées n’a rien d’inhabituel en Ariège depuis plusieurs années - le phénomène allant jusqu’à opposer le réseau RESF, le conseil général et la justice dans un bras de fer à trois.

“Avec un certain flair”, note le procureur de la République Olivier Caracotch, les policiers déterminent ce jour-là que les billets du train Toulouse/Pamiers utilisés par les deux jeunes gens ont été payés avec une carte de crédit. C’est le point de départ d’une longue enquête, à commencer par des réquisitions pour identifier le titulaire de la carte et pour suivre ses flux téléphoniques. “Les enquêteurs constatent alors qu’il y a beaucoup de contacts dans la communauté angolo-congolaise du bassin toulousain”, explique M. Caracotch. Le parquet de Foix saisit alors la Police de l’air et des frontières de Blagnac, et bientôt une information judiciaire pour “aide à l’entrée, au séjour et à la circulation d’étrangers en situation irrégulière en bande organisée” est ouverte.
Au final, c’est ce que le procureur qualifie de “filière familiale et tribale” qui est mise à jour. En son centre, un homme “assez puissant” au Congo, qui fait entrer dix personnes, “quasiment tous sont ses enfants”, en suivant le parcours suivant : visa de tourisme pour se rendre au Portugal, puis “autocar jusqu’à Toulouse, où une des filles de cet homme, mariée et insérée, héberge les arrivants - le temps d’obtenir de faux documents administratifs et d’apprendre une fausse histoire d’enfants en danger dans leur pays, orphelins d’opposants politiques”.
Ensuite ? Direction l’Ariège pour que ces personnes - “certaines vraiment mineurs, mais d’autres non” - soient prises en charge par les autorités locales. L’Ariège ou bien, “au moment où le département a été considéré comme “grillé” par les organisateurs”, selon le procureur, Montauban et Montpellier.
A force d’écoutes, les enquêteurs ont notamment pu suivre le parcours entier d’un arrivant de 31 ans, de la réception à la gare routière par le couple de la région toulousaine à son départ vers le Tarn-et-Garonne en passant par l’attente des papiers et ses “efforts pour maigrir afin de paraître plus jeune”.
L’enquête a par ailleurs permis d’interpeller un homme accusé d’être l’auteur des faux documents : la perquisition à Lyon “a été fructueuse, avec des dizaines de documents d’état-civil vierges, des tampons, des listes d’autorités administratives africaines à jour, de faux documents judiciaires et policiers établis pour attester du danger dans le pays d’origine... Un véritable atelier de contrefaçon, avec au moins une dimension interrégionale.” Une autre filière de faux documents liant Londres et Toulouse a également été identifiée, davantage spécialisée dans l’ouverture de faux comptes bancaires.
Au total, ce sont dix personnes qui ont été interpellées, dont une reste encore en détention provisoire. Neuf sont renvoyés devant le tribunal correctionnel de Foix, le 9 juillet prochain, pour répondre des faits de “aide à l’entrée, au séjour et à la circulation d’étrangers en situation irrégulière en bande organisée”, ainsi que des infractions liées à la détention, l’établissement et la fourniture habituels de faux documents. La “tête pensante” de la filière, elle, n’est pas inquiétée, mais la justice française pourra formuler une dénonciation officielle auprès des autorités congolaises.
Cet homme a-t-il toutefois organisé une filière ? L’aspect lucratif n’apparaît pas prépondérant, puisque ce sont essentiellement ses enfants qui sont “passés. Il n’y a donc pas le caractère mafieux prêté à certains réseaux ; mais “le caractère hiérarchisé, organisé, avec le recours à des prestataires extérieurs”, pour le procureur, constitue une véritable filière.
Quant aux “mineurs isolés étrangers” arrivés par ce biais-là, ils n’auront rien à craindre sur le moment, à l’exception d’un qui est soupçonné d’avoir participé à son tour. “D’une part les faits risquaient d’être prescrits, et d’autre part nous avons préféré nous concentrer sur les organisateurs et les prestataires, précise M. Caracotch. Par ailleurs, ces jeunes gens ne posent aucune difficulté de délinquance ou d’ordre public, ils cherchent à s’insérer. Et enfin, ils n’étaient pas forcément demandeurs pour quitter leur pays d’origine”. Reste qu’au moment du passage à la majorité, l’administration aura à trancher quant à leur devenir sur le territoire national...gazette-ariegeoise.fr
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