REPORTAGE - Les mineurs isolés étrangers arrivés à Paris attendent des semaines un premier entretien pour savoir si leur minorité est reconnue…
«On peut nous dire qu’on n’est pas mineurs. On peut douter de nous, et on recommence à zéro», se désole Thierno-Abdoulaye Diallo, un Guinéen de 17 ans. Ce lundi matin devant la Permanence d’accueil et d’orientation des mineurs isolés étrangers (PAOMIE) dans le 10e arrondissement de Paris, une quinzaine de jeunes immigrés attendaient leur tour dans l’espoir d’obtenir une entrevue avec les membres de l’association Terre d’Asile… et le statut de mineur isolé étranger.
Paris reste une porte d’entrée embouteillée pour ces enfants fuyant guerres et persécutions. Venus principalement du Mali, d’Egypte, du Pakistan, ils patientent parfois jusqu’à un mois avant d’obtenir une première évaluation de leur situation. Et notamment de leur minorité, critère essentiel qui pose parfois problème. Car ces jeunes arrivent souvent sans document d’identité. «Les passeurs m’ont volé mes papiers et l’argent sur le bateau qui m’emmenait en Italie», raconte ainsi Ibrahim Diombera, 15 ans.
«On m’a dit d’appeler le 115, mais ils ne peuvent pas aider les mineurs»
Ces jeunes naviguent pendant des semaines en zone de non droit, dorment souvent à la rue après avoir traversé bien des épreuves pour rejoindre Paris. «Quand je suis arrivé à Paris on m’a dit d’appeler le 115, mais ils ne peuvent pas aider les mineurs, reprend Thierno-Abdoulaye Diallo. Alors dès le lundi, je suis venu ici.» Chaque matin, il attend son tour et chaque soir espère faire partie des 25 personnes qui dormiront à l’hôtel.
«Je ne cherche qu’un endroit où je peux étudier»
Victimes de violences, orphelins, enfants porteurs d’espoir pour toute famille en détresse, ces mineurs espèrent trouver un avenir meilleur en France. Et obtenir le statut de mineur isolé étranger leur garantit d’être mis à l’abri jusqu’à leurs 18 ans… et les aiderait à être régularisé après. «Ma mère est morte quand j’avais 6 ans, mon père quand j’étais en sixième, raconte Thierno-Abdoulaye. Mon oncle, qui m’a recueilli, m’a alors interdit d’arrêter l’école. Je lui ai répondu que mon père nous avait fait promettre d’accomplir des études. Mais il m’a obligé à travailler dans les champs. Quand je lui ai dit que je voulais reprendre mes études, il m’a jeté dehors.»
Commence alors pour l’adolescent un périple épuisant de six mois, passant du Mali au Niger, puis par le Lybie en guerre pour traverser en bateau la Méditerranée et atteindre les côtes italiennes. «J’ai traversé le Sahara en voiture et à pied sous le soleil. Dans le bateau, certains devenaient fous, sur l’eau tu ne vois rien. Je ne cherche qu’un endroit où je peux étudier. Je ne peux pas retourner chez moi et je ne sais pas où aller.»
Papiers volés par les passeurs
Idrissa, un Malien de 15 ans, a rêvé, lui aussi, de Paris pour y faire des études. «Je suis venu ici pour m’instruire et pour jouer au foot. Ma mère a parlé avec un passeur. Il m’a emmené ici en passant par le Portugal. Nous sommes arrivés il y a deux semaines. Il m’a fait monter dans un train et est parti acheter le déjeuner. Il n’est jamais revenu, il avait mon visa, mon passeport, mon argent. J’ai juste gardé mon acte de naissance dans la poche.»
Un document qui ne suffira pas forcément à lui octroyer le statut de Mineur Isolé Etranger. «Même quand l’acte de naissance est correct, ils nous disent qu’on est majeurs, regrette Souleyman, un Malien de 16 ans. On a l’impression qu’ils décident au hasard. Si j’avais su que la France me recevrait comme ça, je serai resté chez moi.» Pourtant, Ibrahim, Mustapha, Thierno, Souleyman et leurs compagnons de fortune reviendront tous les matins avec l’espoir d’être reçu, écouté et d’obtenir un statut qui leur permettrait d’accomplir leur rêve: continuer leur scolarité. Et Thierno de sourire: «Si j’arrive à faire des études, j’aimerais devenir électricien.»