Le sujet est délicat : celui de la détermination, par le biais de tests osseux, de l'âge réel des mineurs étrangers isolés. Une question écrite de Jean-Pierre Sueur, sénateur (PS) du Loiret, est l'occasion d'apporter un éclairage intéressant. La méthode est en effet contestée à la fois sur le fond (la fiabilité du test médical) et sur la forme (l'usage supposé ou réel qui en est fait pour renvoyer dans leur pays d'origine des jeunes étrangers isolés que le test identifie comme majeurs). La méthode - mise parfois en œuvre à la demande de départements qui s'interrogent sur la réalité de l'âge du mineur qu'ils doivent prendre en charge - est notamment contestée par des associations de soutien à ces mineurs (voir notre article ci-contre du 24 septembre 2009). Dans sa question, Jean-Pierre Sueur s'interroge notamment sur la fiabilité et l'utilisation de ces tests, dès lors que la marge d'erreur peut aller - aux dires mêmes de l'Académie de médecine - jusqu'à 18 mois.
Dans sa réponse, le ministre de l'Intérieur rappelle que "la France applique une réglementation très protectrice pour les étrangers mineurs quelle que soit leur situation juridique", avec en particulier l'interdiction de prononcer une mesure d'éloignement, contrairement à la pratique d'autres Etats européens (Allemagne, Royaume-Uni...). Mais il estime que la contrepartie de cette protection renforcée réside dans la possibilité de s'assurer de l'âge réel du mineur étranger isolé. La vérification normale passe par les documents d'état civil de l'intéressé. Mais, "en présence de documents qui ne peuvent être rattachés avec certitude à la personne qui les produit ou en l'absence de tous documents, la preuve de l'âge par tous moyens est admissible". La vérification passe alors par une radiographie de la main et du poignet - méthode dite de Greulich et Pyle - et par un contrôle de la dentition. Le principe de l'examen osseux a été validé par l'Académie de médecine dans un avis rendu le 8 mars 2006 sur saisine conjointe des ministères de la Justice et de la Santé. Selon cet avis, la méthode utilisée constitue un cadre référentiel "universellement utilisé" et offre "une bonne approximation de l'âge de développement d'un adolescent en dessous de seize ans", sans pour autant permettre "une distinction nette entre seize et dix-huit ans".
Cette incertitude reconnue à la lisière de l'âge adulte ne condamne cependant pas la méthode. En effet, l'Académie estime cette méthode plutôt favorable au mineur, dans la mesure où elle sous-estime l'âge réel, de plus ou moins 18 mois, compte tenu de la marge de détermination scientifique de l'âge osseux. Le risque de renvoyer dans son pays un mineur en raison du manque de précision du test semble donc écarté a priori. Dans un avis du 23 juin 2005, le Comité consultatif national d'éthique avait d'ailleurs rejoint la position de l'Académie de médecine sur ces tests, en déclarant qu'il "ne récuse pas a priori leur emploi".
Dans ces conditions, le ministère de l'Intérieur estime qu'"en l'état actuel de la science, cette méthode constitue le meilleur test disponible, unanimement admis par les juridictions comme un mode de preuve de l'âge d'un jeune étranger, dans le respect de la personne du mineur et suivant des règles éthiques". Et, en tout état de cause, le doute éventuel doit toujours bénéficier au mineur.
Référence : Sénat, question écrite n°19724 de Jean-Pierre Sueur, sénateur du Loiret, et réponse du ministère de l'Intérieur, de l'Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l'Immigration (JO Sénat du 17 mai 2012).