LE PLUS. Ce sont des enfants déracinés. A cause de la crise économique et financière, ces "mineurs isolés étrangers" (MIE) sont bien souvent oubliés. À l'occasion de la Journée internationale des droits de l'Enfant, François Content, directeur de la Fondation Auteuil, nous rappelle que l'enfance est universelle et qu'il est urgent de rétablir leurs droits.
Enfants dans un collège à Paris, 20/03/2012 (Francois Mori/AP/SIPA)
Ce sont des enfants mais on les "range" sous un nom bien particulier.
On les appelle les MIE (Mineurs Isolés Étrangers). Ils sont peut-être 6 ou 7000 en France car même cela, on ne le sait pas très bien. Ce que l’on sait, c’est qu’ils ont vécu des traumatismes d’une rare violence : faim, misère, guerre, etc. Ils ont fui leur passé vers un eldorado qui ressemble à notre pays. Du moins le croyaient-ils. Ils se sont dit que la France était un pays d’humanité. Et ils avaient raison car ils ont été accueillis.
Mais voilà, la crise économique et financière a fait bouger les lignes et le pays des droits de l’Homme autant que celui des Enfants ne sait plus par quel bout prendre le problème de ces enfants.
Déracinés
Depuis 2008, l’État s’est désengagé du financement de l’accueil des MIE. Ce sont les départements qui en ont la charge. Devant l’afflux des demandes, chaque département développe ses propres stratégies quelquefois dérogatoires au droit commun. Certains départements ne reçoivent pas de MIE, d’autres voient la prise en charge de ces jeunes croître d’année en année dans des proportions alarmantes.
Alors que ces MIE ont en commun le déracinement et la précarité économique, on tend à les catégoriser : ceux qui ont moins de 16 ans bénéficient de la protection que l’État accorde à tout enfant sans parent proche et sont orientés vers des établissements spécialisés au titre de la protection de l’enfance (financée par le Conseil Général).
Après 16 ans, ils sont pris en charge de manière différente selon les départements et risquent à moyen terme de bénéficier au mieux, de dispositifs d'insertion sociale et professionnelle (et qui ne s’inscrivent alors plus dans une prise en charge globale), au pire, de dispositifs d’urgence qui les catégorisent d’office dans les publics en exclusion et non comme des jeunes en danger relevant de la protection de l’enfance.
À leur majorité, ces jeunes, en tant qu’étrangers, doivent régulariser leur situation. Les décisions de régularisation étant différentes selon les préfectures, il n’y a pas d’égalité de traitement sur le territoire français. La qualité de leur accompagnement est entravée, voire contrariée par une prise en compte a minima.
Quand l'intérêt économique prime
Ces clivages administratifs, créés par la force des choses et les ressources limitées des départements viennent de fait générer des catégories "d’exclusion" dont les fondements sont à questionner : entre mineurs étrangers et mineurs français, entre ceux qui ont moins de 16 ans et ceux qui ont plus de 16 ans, ceux qui ont des parents et ceux qui n’en n’ont pas ; en contradiction avec le Code de l’action sociale et des familles, le droit français et la Convention internationale des droits de l’enfant.
Car ces jeunes, comme tous les enfants du monde, ont des rêves, des talents, des projets. Ils veulent s’intégrer et travailler. Dans nos établissements, à
Apprentis d’Auteuil, 98% des MIE obtiennent un CAP, certains figurent parmi
les Meilleurs apprentis de France. Certains ont effectué des parcours exceptionnels et sont devenus médecins, ingénieurs, avocats. Ils jouent souvent un rôle très positif d’encouragement à l’effort auprès d’autres jeunes car leur envie d’apprendre et de travailler est grande.
Aujourd’hui, nous courons le risque que les impératifs économiques (et ils existent) prennent le pas sur l’intérêt supérieur de chacun de ces enfants en compromettant le respect de leurs droits fondamentaux. Faisons en sorte que notre pays soit fier d’être et de rester une terre d’accueil, le pays des droits de l’Homme.
Donnons leur les mêmes droits que les autres
Pour ce faire, donnons leur jusqu’à leur majorité les mêmes droits et la même qualité de protection et de prise en charge que les autres enfants en difficulté ; donnons-leur, au-delà de cet âge, un titre de séjour spécifique leur permettant de poursuivre leur projet de formation afin que l’investissement porté en eux avant 18 ans puisse se concrétiser sans que tombe le couperet de l’âge et la reconduite à la frontière ; enfin soutenons et développons les actions d’éducation, de formation et d’insertion menées dans les pays d’origine de ces jeunes dans un souci de prévention de la migration économique des enfants.
Au moment de la 23ème
Journée internationale des droits de l’enfant le 20 novembre, durant laquelle nous allons célébrer la convention du même nom, dont la France est co-auteur, rappelons-nous que l’enfance est universelle et que nous sommes autant détenteur que défenseur naturel de ces droits là.