Les enfants et adolescents étrangers arrivés en France sans parents ni papiers seront de nouveau pris en charge par les services sociaux de la Mayenne après le 20 août, a annoncé, mercredi 7 août, le sénateur (UDI) et président du conseil général de ce département, Jean Arthuis. Le 24 juillet, M. Arthuis avait pris un arrêté très polémique, "mettant fin à tout nouvel accueil de jeunes étrangers isolés par le service de l'Aide sociale à l'enfance", pourtant une obligation des départements.
Pourquoi le 20 août ? A cette date, l'ancien ministre de l'économie de Jacques Chirac devrait avoir rencontré la ministre de la justice, Christiane Taubira, et donné suffisamment d'écho au "signal d'alarme" qu'il souhaitait tirer sur l'accueil des mineurs étrangers isolés en France.
Ce mode d'alerte lui a valu, mardi 6 août, une réplique conjointe des ministres de la justice et de l'intérieur aux allures de leçon couplée de morale et de droit : "L'Etat ne saurait accepter de distinguer les mineurs accueillis en fonction de leur nationalité. Cette question complexe, difficile et recouvrant des tragédies personnelles, mérite un traitement d'une autre nature que celle que souhaite lui réserver cet arrêté."
"À L'ENCONTRE DES VALEURS RÉPUBLICAINES"
Les deux ministres déploraient que le département de la Mayenne contrevienne à la loi ; annonçaient avoir demandé au préfet le retrait de cet "acte illégal" ; et menaçaient de saisir la justice administrative : "Le département exerce une compétence obligatoire dans le domaine de la protection de l'enfance (...), qu'il ne peut refuser d'exercer. De plus, il revient au département d'appliquer la décision de l'autorité judiciaire lui confiant ces mineurs."
Dès le 1er août, l'association France Terre d'asile s'était insurgée contre cet arrêté"indiscutablement discriminatoire", allant "à l'encontre des valeurs républicaines et humanistes". Jean Arthuis, qui souligne le caractère originellement temporaire de son arrêté ainsi que l'absence de réponse au courrier adressé sur le même sujet, fin décembre 2012, au président de la République, assure n'avoir en rien renié ses valeurs humanistes. Il s'agissait, selon lui, de "briser les tabous afin d'éviter le pire".
Et d'expliquer que ces mineurs arrivent la plupart du temps d'Afriquesubsaharienne, via des filières d'immigration clandestine, et qu'ils sont accompagnés jusqu'à la douane de Roissy, puis abandonnés. "Le laxisme du gouvernement dans le contrôle des flux migratoires et des filières organisées met en difficulté les immigrés en situation régulière et fait monter les ultras de droite ou de gauche", estime M. Arthuis. La Mayenne, comprend-on surtout, commence àressentir les effets de la circulaire du 31 mai fixant un nouveau protocole d'accueil des mineurs isolés afin d'en mieux répartir la charge financière entre les départements.
"IL Y A UNE ACCÉLÉRATION"
Quelque 6 000 à 8 000 de ces enfants et adolescents arrivent chaque année en France. Un chiffre en très forte hausse ces dernières années. En 2011, la Seine-Saint-Denis, où se situe l'aéroport de Roissy, a pris en charge 567 de ces mineurs pour un coût de 42 millions d'euros, représentant 20 % de son budget d'aide sociale à l'enfance (ASE).
Depuis deux mois, l'entrée en vigueur de la circulaire gouvernementale a contraint la Mayenne, jusqu'ici peu concernée par cette problématique, a plus de solidarité : alors que cinq jeunes y avaient été accueillis entre début janvier et fin mai, ils ont été neuf entre début juin et fin juillet. "Il y a une accélération", regrette M. Arthuis, selon lequel l'Etat a surévalué les capacités d'accueil de la Mayenne : "Nous sommes à saturation."
Le sénateur fait ses comptes : 57 mineurs étrangers sont pris en charge. Plus de 700 jeunes sont confiés à l'ASE. Une place en foyer, c'est 130 à 150 euros par jour, soit 2 millions d'euros par an. Et de trancher : "Le département n'a pas de responsabilité directe dans le contrôle des flux migratoires. Le financement de l'accueil des mineurs isolés doit être national."
Mercredi, l'Assemblée des départements de France a réclamé la création d'un fonds national d'intervention pour soutenir financièrement les conseils généraux dans cette mission.
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