Quelle protection ? Quand seront pris en compte leurs droits fondamentaux ? Bien qu’ils relèvent de la protection de l’enfance, les mineurs isolés étrangers sont rarement traités comme des enfants en danger… Ils sont de plus en plus nombreux, surtout à Paris. Les associations appellent l’Union européenne à créer un statut spécifique pour eux et à s’intéresser beaucoup plus à leur prise en charge.
Gommés des statistiques – on les estime à environ 6 000 sur le sol national, arrivés de partout –, disparaissant trop facilement des institutions dans lesquelles on a pu parfois les placer, les mineurs isolés étrangers peuvent se définir en plusieurs sous-catégories, avec une vraie diversité de profils. Ils sont exilés fuyant la guerre, jeunes errants déjà livrés à eux-mêmes depuis longtemps y compris dans leur pays, exploités fuyant un réseau, fugueurs, jeunes envoyés par leur famille pour travailler, rejoignant un parent, « oubliés » par des passeurs… Il y en aurait, selon une estimation forcément incertaine des associations, environ 100 000 en Europe. Mi-février, l’association France terre d’asile lançait un appel pour une protection européenne des mineurs isolés étrangers (MIE, appelés aussi en Europe mineurs étrangers non accompagnés). Signé par de grands réseaux internationaux, de nombreuses personnalités et des parlementaires européens, le texte déploie quinze propositions déclinées autour de cinq axes : « accepter, respecter, accompagner, protéger, réunir ».
En effet, les vingt-sept États membres de l’Union sont actuellement caractérisés par une absence totale d’harmonisation concernant la prise en charge de ces MIE ; la Commission européenne doit toutefois présenter avant la fin du semestre un plan d’action les concernant.
Les pouvoirs publics auraient-ils enfin senti le problème ? En décembre dernier, la ministre de la Justice a confié à une sénatrice UMP, Isabelle Debré, une mission sur les MIE qui doit rendre ses conclusions fin mars. Elle doit analyser d’une part l’articulation entre État et départements et d’autre part celle entre juges pour enfants et autres magistrats. La Défenseure des enfants, de son côté, réclame la mise en place de plateformes départementales pour faciliter leur prise en charge. Enfin, un observatoire missionné pour formuler des propositions d’amélioration de la prise en charge des MIE doit être mis en place à Paris dans l’année.
En effet, ils sont de plus en plus nombreux à Paris : en 2009, l’aide sociale à l’enfance (ASE) en a accueilli environ 450 (et près d’un millier sur l’ensemble du territoire), le premier chiffre ayant plus que doublé en deux ans (11 % de filles, 89 % de garçons). Si plus de quarante nationalités sont dénombrées, les jeunes sont principalement originaires d’Afghanistan, d’Afrique (hors Maghreb) et du Moyen-Orient. Le 19 novembre dernier, un colloque intitulé Quelle protection pour les mineurs isolés étrangers ? avait indiqué qu’ils étaient accueillis, via une cellule d’accueil des mineurs isolés (CAMI), soit en hébergement collectif (68 %), soit en placement familial (17 %), parfois en semi-autonomie (10 %), mais aussi à l’hôtel (7 %) pour des solutions provisoires.
La journée avait également dénoncé le désengagement gouvernemental pour une question relevant à la fois de la protection de l’enfance et du séjour des étrangers… Ainsi, nombre d’enfants demandeurs d’asile (originaires par exemple du Congo, de Sierra Leone, d’Afghanistan, du Sri Lanka…) se voient au final opposer trop souvent par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) des réponses négatives… Mais les associations – Hors la rue, la Fondation d’Auteuil, France terre d’asile, Enfants du monde-droits de l’homme (EM-DH) – ont évoqué un véritable processus d’engorgement : jusqu’à « quarante dossiers envoyés par l’ASE pour… trois places », témoignera Richard Galicier, de la fondation d’Auteuil. Dans un nouveau programme 2010 – 2014, la Ville de Paris a d’ailleurs décidé de créer 85 places d’accueil, dont trente en placement familial, tout en demandant à l’État de créer une plateforme régionale de coordination et d’orientation des mineurs étrangers isolés.
Le travail des associations
De même en décembre, les premières assises européennes des mineurs étrangers isolés, tenues à Lille (le Nord et le Pas-de-Calais sont également particulièrement concernés), avaient rappelé que l’accès à une protection, malgré la loi de 2007 qui les faisait en principe bénéficier, était un véritable parcours semé d’embûches : refoulement, détention, défaut de signalement, contestation de minorité, etc. Dans ce contexte, les associations font un boulot remarquable, d’autant plus que, selon les psychologues qui approchent ces jeunes, leur capacité de résilience est exceptionnelle. Leurs moyens : maraudes, suivis éducatifs, contrats jeunes majeurs négociés avec l’ASE, essai de visualisation des parcours, mais aussi formation des travailleurs sociaux pour un changement de regard sur les changements de logique surprenants de ces mêmes jeunes… Elles réclament, entre autres, la prohibition de tout enfermement de mineur isolé, « notamment en zone d’attente », l’abandon de d’expertise médicale pour déterminer leur âge, une réelle application des mesures de protection de l’enfance, dont certaines spécifiques pour les MIE la délivrance d’un titre de séjour au jeune majeur ayant fait l’objet de cette mesure de protection…
Les quelques propositions, en fin d’année, du ministre de l’Immigration sur les MIE n’ont pas, loin s’en faut, convaincu les associations, qui l’ont fait savoir : qu’elles concernent l’outil statistique, la sécurisation des parcours, la séparation en zone d’attente des mineurs et des majeurs, l’administrateur ad hoc ou l’expertise osseuse, elles sont considérées comme velléitaires et insuffisantes. Déjà, le 2 juin 2009, le comité des droits de l’enfant des Nations unies avait dénoncé le non-respect de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) par les autorités françaises.
Au carrefour d’enjeux politiques et idéologiques, ces jeunes nous ramènent aux fondamentaux du travail social : il s’agit de fait, actuellement, de faire appliquer la convention internationale des droits de l’enfant dans une France particulièrement peu solidaire. Au-delà, l’enjeu est puissant pour les associations et les pouvoirs publics : celui d’établir des liens entre les différents dispositifs européens de protection de l’enfance (lien-social.com)
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